~Premiers pas hors du nidJe n'aurais jamais du naître ici.
Un triste concours de circonstance en a décidé autrement, bien avant ma naissance... Ma mère était une femme tout ce qu'il y a de plus ordinaire, courageuse comme une autre, travailleuse, entourée de quelques amis tout aussi ordinaires et vivant une vie normale et simple. La seule chose qui pouvait la différencier d'une autre était son minois adorable, parsemé de quelques subtiles tâches de rousseur sur une peau d'albâtre. Beaucoup lui avaient dit depuis son enfance que la beauté ouvrait des portes plus aisément que n'importe quel discours et qu'elle avait été touchée par les dieux. Ce fut vrai pendant plusieurs années.
Mais à toute bénédiction, il y a un revers.
Elle croisa un soir la route d'une femme à la chevelure coiffée de longues dreds auburn, qui la toisait d'aisément deux têtes. Deux dagues barbares à la ceinture, un fouet à neuf lanières et le regard luisant comme un prédateur dans une forêt obscure, elle lui sourit et l'invita à la suivre... sans doute trop poliment. C'est sans méfiance qu'elle la suivit.
Elle finit enchaînée dans la cale d'un navire, nommé l'Orpheline. Un équipage de femmes, toutes plus sauvages et indisciplinées les unes que les autres menaient ce bâtiment d'une poigne d'acier.
Elle n'en sut pas plus mais vogua, sous leur tutelle, pendant de longues semaines, jusqu'à ce qu'enfin, l'embarcation s'amarre à un nouveau port.
On la vendit à un riche propriétaire chinois des terres de Jianghu, à des milles et des lieues de ses contrées natales. Celui ci possédait un établissement de plaisirs dans la ville de Yanjing. Ainsi sa vie changea. Sa beauté lui avait ouvert une porte... dont elle n'aurait jamais voulu connaître l'autre côté.
Quelques mois suffirent pour qu'elle tombe enceinte d'un client, au grand damn de la tenancière des lieux.
Elle dut payer pour qu'on ne tue pas son enfant, ni qu'on ne l'astreigne à la même tâche qu'elle. Tout ce qu'elle pouvait gagner, elle promit de le reverser directement sans rien garder pour elle dans le seul espoir de la préserver... de me préserver.
Je grandis ainsi... à l'étage d'une maison close, découvrant avant l'heure des choses qu'aucun enfant ne devrait connaître. Ce qui ne posait souci alors que je n'étais qu'une gamine, commença à titiller les responsables du lieu et les clients, quand j'atteignis la puberté. Qu'importait cet argent que payait ma mère : la virginité était chose précieuse et lucrative.
Ma mère n'attendit pas qu'il soit trop tard et me fit accompagner par un passeur jusqu'à l'école du Mont Emei, une sororité d'apprenties exclusivement composée de filles où elle pensait que je serais en sécurité.
Personne ne vint m'y arracher de force et durant presque six ans, j'y appris l'art du combat, les valeurs d'entraide et de solidarité d'une communauté. Mais j'étais encore perdue, incapable de trouver la force intérieure dont mes sœurs me parlaient.
Nun Juechen me confia un jour une mission ardue, pour laquelle on m'assigna comme partenaire Akimitsu, une autre jeune emei. Mais la tâche était au delà de nos compétences et après plusieurs essais infructueux, couvertes de bleus et démoralisées, nous avons entendu une voix derrière nous :
« Vous avez besoin d'aide ? »Il s'agissait de Wista-sama.
Elle me permit d'accomplir notre mission et nous parla ensuite de son clan, une organisation nommée le « Lotus » dans laquelle elle était prête à nous enrôler si nous le souhaitions. Je n'ai pas hésité... Les gens qui m'avaient tendu la main jusqu'ici étaient si rares que je n'ai pu que lui faire une confiance aveugle.
Je suis devenue l'une des leurs et c'est à partir de ce moment que ma vie a vraiment commencé.
Ils m’enseignèrent tout d'abord comment gagner l'argent nécessaire à ma survie : Grâce à une poudre volatile soufflée au nez d'une personne, je pouvais l'endormir puis aller la revendre à quelques propriétaires de maison pour les y faire travailler. On me dit qu'aucun mal ne leur était fait, qu'il ne s'agissait que de simples contrats. Je n'acceptais évidemment aucun contrat de la ville de Yanjing.
J'appris également à leur côté à me battre encore mieux qu'avec les Emeis, découvrant dans ce melting-pot de pratiques martiales des adversaires dont j'avais tout à découvrir. Mais je n'étais pas douée pour le combat, malgré mes efforts.
La seule chose pour laquelle je me sentais un vrai talent était mon babillage incessant. Grâce à lui, je rencontrais beaucoup de personnes et m'en faisais, sans le chercher, des amis. Je me créais ainsi, autour du clan, un réseau de personnes prêtes à venir à mon secours au besoin... Dès que j'en avais le temps également, je disparaissais pour aller me promener et découvrir de nouveaux endroits, principalement pour me baigner !
Dame Twilli, Kaicho de l'organisation du Lotus, était une femme digne et droite, qui dans les premiers temps, me fit l'effet d'une anguille glacée qu'on aurait glissé dans ma tunique. Mais, témoin de sa manière de gérer le clan, j'ai appris à la comprendre et développais un profond respect pour elle.
J'ai enfin trouvé une famille à leur contact à tous, et peu importe ce qu'ils me demanderaient, je répondrai présente. Ils étaient la seule chose qui importait vraiment à présent.
J'étais devenue une Lotus.